Phasme

Créa­tion 2013

Créa­tion 2013

Cho­ré­graphe-inter­prète : Anne Per­bal
Régis­seur lumières : Nico­las Sochas
Régis­seur son : Mat­thieu Dele­pau
Gra­phisme : Fabien Krauze
Vidéo : Loic Bou­reux
Pro­duc­tion : Com­pa­gnie Les Yeux Grands Fer­més
Copro­duc­tion : Centre Cho­ré­gra­phique Natio­nal d’Or­léans, direc­tion Joseph Nadj, dans le cadre de l’ac­cueil stu­dio 2013
Sou­tiens : La com­pa­gnie est sou­te­nue par le Minis­tère de la Culture et de la Com­mu­ni­ca­tion / DRAC Centre, dans le cadre de l’aide au pro­jet, et par la ville d’Or­léans
Durée : 40 min

Dates de représentations :

  • 18 octobre 2013 : La Tan­ne­rie – Château-Renault
  • 5 décembre 2013 : Théâtre de la Tête Noire – Saran (Fes­ti­val Traverses)
  • 5 avril 2014 : Théâtre La Fabrique – Meung-sur-Loire

Le pro­pos artistique

Dans un uni­vers qui n’est pas sans évo­quer la bande des­si­née ou le film muet, un per­son­nage sans visage, sorte de créa­ture asexuée ou de phé­no­mène de foire, tente d’é­chap­per à lui-même. L’i­nexo­rable muta­tion qui s’im­pose vient s’in­fil­trer dans tout son être, dévas­tant tout sys­tème de défense.

Phasme :

Pro­vient du grec « phas­ma » qui signi­fie fan­tôme. Les phasmes sont des insectes au corps allon­gé et frêle, imi­tant à la per­fec­tion les brin­dilles, les branches ou encore les feuilles sur les­quelles ils vivent. Capables de res­ter immo­biles pen­dant des heures, ils semblent faire par­tie à la fois du monde vivant et de celui de l’i­na­ni­mé. Ils ont la facul­té de régé­né­rer un membre sectionné.

“Au com­men­ce­ment, un fan­tôme rai­di sous une douche de lumière semble remon­ter vers la conscience, par ses extré­mi­tés four­millantes – comme arpen­té par des doigts–insectes aus­si fré­né­tiques qu’im­puis­sants à ani­mer ce spectre dont la tête, ou plu­tôt le som­met car il n’a pas de visage iden­ti­fiable, est enfer­mé dans une masse de crins. Au reste le voit-on de face, de dos ? On ne sait. Insen­si­ble­ment la sil­houette entre en mou­ve­ment, pan­tin rigide d’a­bord, peu à peu arti­cu­lé, puis désar­ti­cu­lé en sou­bre­sauts de plus en plus vio­lents, tan­dis qu’il cherche à se libé­rer de l’en­com­brant casque pileux, puis de ses ori­peaux, peut-être de sa propre gangue d’existence…

On pour­rait ain­si ten­ter de suivre nar­ra­ti­ve­ment le par­cours étrange, fas­ci­nant, qu’Anne Per­bal impose à son énig­ma­tique figure sur un pla­teau nu, dépouillé à l’ex­trême, ryth­mé par le seul jeu de la lumière, tra­vaillé et comme han­té d’une pul­sa­tion musi­cale envoû­tante – on pour­rait essayer de construire un sens, ce serait peine per­due : tant il semble bien­tôt que ce qui compte n’est pas ici d’in­ter­pré­ter l’a­nec­dote, si sym­bo­lique soit-elle, mais de se lais­ser entraî­ner par ce ver­tige qui bien­tôt sai­sit la scène, la subor­donne tout entière au corps cru­ci­fié qui évo­lue len­te­ment, si len­te­ment, dans une rep­ta­tion dou­lou­reu­se­ment obs­ti­née. Celle-ci se modèle étran­ge­ment sur une forme arbo­rée qui à la sur­face ver­ti­cale du cyclo pro­gresse et ser­pente, d’une pareille tor­peur, au son de gri­gno­te­ments et frot­te­ments chi­ti­neux, vers son image ache­vée d’ombre japo­naise, futur sup­port et double de l’i­ma­go vers laquelle s’ef­force hori­zon­ta­le­ment la nymphe tragique.

Et tan­dis qu’elle conquiert sa liber­té et se sous­trait pro­gres­si­ve­ment à sa pesan­teur, sou­le­vée par les accords d’une mélo­die poi­gnante, c’est toute la salle qui se penche, hyp­no­ti­sée, sur son fra­gile et impla­cable des­tin, tour­noie avec elle et bas­cule dans son uni­vers fan­tas­tique, se ruant presque immo­bile, comme elle, vers le grouille­ment qui finit par enva­hir l’é­cran, pour une libé­ra­tion ou un empri­son­ne­ment, peu importe. La nymphe, deve­nue ménade, contre ce mur enté­né­bré secoue furieu­se­ment sa cri­nière enfin pro­mue che­ve­lure, lorsque tout s’ar­rête, lumière, son, gestes, dans un déchi­re­ment sec.

On émerge len­te­ment de ce vor­tex, on s’ar­rache à cette per­for­mance magis­trale avec l’im­pres­sion d’a­voir en soi-même sen­ti éclore quelque chose de neuf – non, la cer­ti­tude d’en sor­tir pro­fon­dé­ment méta­mor­pho­sé.”

Alain Le Gallo

La presse en parle

Article paru dans “Mag­Centre” le 5 décembre 2013 :